la reine de l’Oisans
Il y a un siècle, tous les grands sommets des Alpes étaient gravis. Tous, sauf un : la Meije.
Henri Issellin, historiographe et auteur d’ouvrages sur les Alpes et l’histoire de l’alpinisme
Cette citadelle de glace et de granit devait opposer, plus encore que le Cervin, une résistance acharnée aux efforts des assaillants…
Meije signifie « midi » et désigne le sud. Les habitants de La Grave avaient ainsi l’habitude de désigner cette montagne, située au sud de leur village, « l’oeille de la meidjour » (l’aiguille du midi).
La Meije (du provençal Meidjo) doit donc son nom au soleil qui passe au-dessus d’elle à midi.
Alpinisme
La Meije est un objectif de choix pour les alpinistes avec de multiples itinéraires dans des styles très variés. Mais la montagne est « vivante », les itinéraires changent donc en fonction du terrain qui bouge. Les guides locaux en suivent l’humeur et sont les seuls gardiens de l’information « à jour ».
« La traversée de la Meije est une grande course, nécessitant une aisance certaine dans tous les domaines de la haute montagne : le rocher, la neige et la glace, mais dans un niveau de difficulté encore raisonnable. Il faut également être en bonne forme physique et ne pas craindre le vide qui se creuse à chaque pas. »
Paulo Grobel, guide haute-montagne à La Grave
L’ascension se fait généralement par l’arête Sud du Promontoire et s’ enchaîne avec la traversée des arêtes jusqu’au doigt de Dieu. Suite à l’effondrement le 15 mai 1964 de la brèche Zsigmondy, qui s’est alors abaissée de 20 m, l’itinéraire est devenu plus difficile, et le contournement de la première dent (dent Zsigmondy) a été équipé en 1971 de câbles métalliques pour faciliter et sécuriser le passage.
La face sud de la Meije est également le lieu de nombreuses voies rocheuses pour les amateurs d’escalade.
Les refuges
2 refuges permettent d’accéder aux différents sommets de la Meije. Parmi les 3 plus haut perchés de l’Oisans, leurs noms donnent à merveille l’ambiance : l’un perché sur son promontoire et l’autre posé sur un éperon tel un nid d’aigle.
Refuge du Promontoire (3 092 m)
Situé à la base de l’arête du Promontoire, point de départ pour le Grand pic, pour la traversée des arêtes de la Meije et pour toutes les voies de la face sud.
Amis randonneurs, nul besoin de faire de l’alpinisme pour rejoindre le refuge et profiter de sa terrasse suspendue au-dessus du vallon des Etançons. 1 380 m tu graviras, le pied alpin tu auras, mais ni baudrier, ni piolet tu utiliseras.
Approcher La Meije de si près, dormir au pied de ses parois verticales, fera vibrer le montagnard qui est en vous.
Refuge de l’Aigle (3 450 m)
Tout est dans le nom : construit sur le haut du glacier du Tabuchet, il permet d’accéder à la face nord et aux itinéraires moins difficiles du Doigt de Dieu et de la Meije Orientale.
Amis alpinistes, ce refuge vous est dédié. En effet les techniques d’alpinisme sont indispensables pour atteindre ce nid… d’aigle! Reconstruit en 2014, il a gardé l’originalité d’un refuge avec un lieu de vie unique qui associe deux étages de lits et salle à manger. L’ancienne structure du chalet de 1910 a été conservée, ainsi l’équilibre entre l’âme de l’ancien refuge et le nouveau projet a été respecté.
Localisation
La Meije dans l’histoire de l’alpinisme
Elle occupe une place particulière : ce fut le dernier sommet majeur des Alpes à être gravi après de nombreuses tentatives menées entre 1870 et 1877.
Cette première ascension a été réalisée par un français alors que la plupart des grandes premières dans les Alpes ont été réalisées par des alpinistes britanniques : Whymper, Coolidge etc.
Pour ces raisons et aussi grâce à l’esthétique de sa silhouette remarquable (qualifiée de « parfaitement dissymétrique » par le compositeur Olivier Messiaen), la Meije occupe une place de choix dans l’imaginaire des alpinistes. D’ailleurs, on l’appelle parfois « La Reine Meije » ou « Sa Meijesté».
La Meije est composée de trois principaux sommets : le point culminant, le Grand pic de la Meije à 3 983 mètres (2ème sommet majeur des Écrins après la Barre des Écrins qui culmine à 4 102 mètres), le Doigt de Dieu ou Pic Central de la Meije (3 973 mètres) surplombant le versant Sud et la Meije orientale (3 891 mètres), gros épaulement neigeux.
La première…
La 1ère ascension du Grand Pic fut effectuée le 16 août 1877 par Emmanuel Boileau de Castelnau avec Pierre Gaspard ; elle suit l’arête du promontoire en face sud, c’est-à-dire la voie « normale ». Ils sont redescendu par le même itinéraire, abandonnant des cordes sur certains passages (la technique du rappel ne fut inventée que plus tard).
« Cette conquête a été un grand exploit, la montagne avait fait l’objet de nombreuses tentatives (25 environ)… »
Emmanuel De Castelnau (dix-neuf ans) et un habitant de la vallée dans la force de l’âge (quarante-trois ans), Pierre Gaspard, guide depuis seulement deux ans, sûrent trouver le point faible au cours d’une reconnaissance, le 4 août 1877. Ils franchirent le passage clé en chaussettes. Que ceux qui suivent aujourd’hui leurs traces les imaginent grimpant en chaussures à clous, à une époque où l’escalade rocheuse en était à ses débuts. Ils bivouaquèrent à la descente, sans équipement de protection. Pendant de longues années la Meije fut surnommée : « la grande difficile »… »
Extrait du « Guide du Haut-Dauphiné » de François Labande, aux éditions l’Envol.
Et les autres…
La 1ère ascension sans guide, en 1879, est au crédit de Frederick Gardiner en compagnie de Charles Pilkington et Lawrence Pilkington.
La 1ère traversée des arêtes de la Meije a été faite dans le sens est-ouest (du Doigt de Dieu au Grand Pic) le 27 juillet 1885 par Ludwig Purtscheller, Otto et Emil Zsigmondy. Il descendirent en rappel et en plantant des pitons de la première dent à la brêche au pied du Grand pic (aujourd’hui appelées dent et brêche Zsigmondy). Ils redescendirent par l’arête du Promontoire, en empruntant la dalle des Autrichiens, qui est la seule modification de l’itinéraire aujourd’hui utilisé par rapport à celui de Gaspard et Castelnau.
En 1891, J.H. Gibson, Ulrich Almer et F. Boss firent la 1ère traversée des arêtes (dans le sens ouest-est), qui est devenu l’itinéraire classique et considéré comme l’un des plus beaux des Alpes. Elle fait partie des 100 plus belles courses dans le massif des Écrins.